15.11.11

Mains




Une photo sur un blog "ami", Waid and See, m'a fait repenser à ce très beau poème...

Chez un sculpteur, moulée en plâtre, 
J'ai vu l'autre jour une main 
D'Aspasie ou de Cléopâtre, 
Pur fragment d'un chef-d'oeuvre humain; 


Sous le baiser neigeux saisie 
Comme un lis par l'aube argenté, 
Comme une blanche poésie 
S'épanouissait sa beauté. 


Dans l'éclat de sa pâleur mate 
Elle étalait sur le velours 
Son élégance délicate 
Et ses doigts fins aux anneaux lourds. 


Une cambrure florentine, 
Avec un bel air de fierté, 
Faisait, en ligne serpentine, 
Onduler son pouce écarté. 


A-t-elle joué dans les boucles 
Des cheveux lustrés de don Juan, 
Ou sur son caftan d'escarboucles
Peigné la barbe du sultan, 

Et tenu, courtisane ou reine, 
Entre ses doigts si bien sculptés,
Le sceptre de la souveraine 
Ou le sceptre des voluptés? 

Elle a dû, nerveuse et mignonne, 
Souvent s'appuyer sur le col 
Et sur la croupe de lionne 
De sa chimère prise au vol. 

Impériales fantaisies, 
Amour des somptuosités; 
Voluptueuses frénésies, 
Rêves d'impossibilités, 

Romans extravagants, poèmes 
De haschisch et de vin du Rhin, 
Courses folles dans les bohèmes 
Sur le dos des coursiers sans frein; 

On voit tout cela dans les lignes 
De cette paume, livre blanc
Où Vénus a tracé des signes
Que l'amour ne lit qu'en tremblant. 

Théophile Gautier

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

N'hesitez pas... dites moi ce que vous pensez...